19/11/2018

Les assurtechs changent-elles le visage de l’assurance des entreprises ?

Longtemps épargné, le secteur de l’assurance des entreprises est touché de plein fouet par la révolution numérique et l’émergence de start-up qui bousculent les modèles établis. Si la disruption n’est pas aussi radicale que dans d’autres industries, comme celles des médias ou du retail, ou aussi engagée que dans l’assurance de masse (épargne, habitation, automobile, assurance vie…), les assurtechs obligent le monde de l’assurance à se réinventer, à fonctionner autrement, à s’intégrer dans des écosystèmes plus larges, à innover plus rapidement…

 

Alors que des start-up rencontrent des succès qui posent les bases d’une assurance 3.0, les vrais défis sont à venir pour une industrie peu habituée aux rythmes de transformation effrénés. Paradoxalement, les courtiers en assurance, qui ont trusté la relation directe avec les entreprises, en offrant une expérience client plus aboutie que les assureurs, pourraient être plus directement touchés que les assureurs eux-mêmes par le tsunami de la révolution numérique et l’émergence des assurtechs.

Le courtage d’assurance en première ligne

 

Beaucoup d’articles ont été écrits sur les assurtechs et leur impact sur l’industrie de l’assurance. Nous n’allons pas dresser un nouveau panorama des start-up dans le monde de l’assurance. Notre ambition ici est de tenter de comprendre comment les assurtechs changent le visage de notre industrie dans les domaines de la protection sociale complémentaire et des risques d’entreprise. Ces segments sont largement dominés par les courtiers en assurance, qui ont su s’imposer comme les intermédiaires incontournables des entreprises dans le monde entier, peu importe leur taille, grâce à des éléments de valeur ajoutée forts :
• la proximité avec les entreprises via un modèle de distribution traditionnel, des équipes commerciales maîtrisant bien les enjeux des organisations et les besoins des dirigeants ;
• une forte expertise dans l’analyse des risques et des enjeux de protection sociale de l’entreprise, permettant de construire des solutions adaptées et de les négocier auprès des assureurs ;
• une gestion fluide du quotidien avec des courtiers qui, dans certains pays comme la France, bénéficient de délégations de gestion étendues et se substituent purement et simplement aux back-offices des assureurs.

 

Si les courtiers restent à la pointe de l’innovation dans l’élaboration des solutions d’assurance et la négociation auprès des porteurs de risque, ils sont aujourd’hui bousculés et remis en question. Pour une raison majeure : ils n’ont pas toujours anticipé les nouveaux comportements ou attentes des clients, que ce soit en matière de gestion, de distribution ou de conseil.

 

Ils se trouvent ainsi en première ligne face à des assurtechs qui repensent les parcours client, développent de nouveaux usages, maîtrisent les technologies les plus avancées et sont en train de changer le visage de l’assurance des entreprises.

L’expérience client, le talon d’Achille de l’assurance !

 

En 2018, le secteur de l’assurance n’échappe plus à la vague de transformation qui a refaçonné de nombreux secteurs d’activité : Amazon dans la distribution, Uber dans les transports, Airbnb dans l’hôtellerie… Ces entreprises « sans héritage » ont repensé le parcours client avec deux mots d’ordre, simplicité et efficacité ; une ligne directrice, l’expérience client ; et un objectif ultime, sa satisfaction.

 

Et c’est sans doute le premier défi d’une industrie qui partage, avec la banque, le triste record de l’insatisfaction client. En effet, seulement 28 % des consommateurs expriment leur satisfaction dans leur assureur (Baromètre Trusteam/Ipsos, 2016, et étude Deloitte, 2017). Si ce chiffre ne vise pas spécifiquement le secteur des risques d’entreprise et de la protection sociale complémentaire, il conforte l’étude réalisée par McKinsey selon laquelle 60 % des investissements dans les assurtechs s’attaquent à l’expérience client sans chercher à refondre les business models en profondeur, à désintermédier ou à disrupter la chaîne de valeur (Panorama Insurtech Database, McKinsey).

 

Quel est l’impact de l’expérience client sur la chaîne de valeur ? C’est la grande question, et la réponse donne le vertige : de la distribution à la souscription et au conseil, en passant par la gestion du quotidien et l’indemnisation, tout doit être repensé sous l’angle de la simplicité et de la fluidité. Une tâche immense pour un monde qui s’est façonné depuis des décennies dans la complexité et les ruptures dans la chaîne de valeur et qui pensait que le servicing était moins important que le conseil et l’intermédiation. Certains acteurs l’ont d’ailleurs payé cher en devant abandonner une partie de leur rémunération pour garder des clients insatisfaits.

 

Or l’expérience client est plus qu’un « must have », c’est un levier extraordinaire de création de valeur, comme l’explique Frank Gehrig en invitant notre industrie à s’inspirer de Netflix, qui a augmenté ses prix à deux reprises ces deux dernières années tout en continuant d’enregistrer un nombre record d’abonnés. Pourquoi ? Parce que ses clients sont satisfaits, Netflix ayant réinventé le streaming vidéo.

 

Si des acteurs ont commencé à prendre la mesure de ces changements, ce sont bien les assurtechs qui poussent à faire évoluer les modèles établis. Comment ? En questionnant la proposition de valeur des entreprises historiques et en cherchant à répondre directement aux pratiques et usages des générations d’aujourd’hui et… de demain.

 

En 2017, les assurtechs ont recueilli plus de 2 milliards de dollars d’investissements avec une forte accélération au cours des trois dernières années. Mais que font-elles ? 40 % fournissent des services et des technologies aux assureurs et courtiers, 38 % proposent des solutions d’assurance numériques pour les particuliers ou professionnels (mais sans couvrir le risque), 12 % font de l’assurance collaborative ou des achats groupés. Enfin, les autres proposent des services aux particuliers et aux entreprises.

Simplicité et personnalisation, enjeux de la distribution

 

La distribution d’assurance est sans doute le maillon de la chaîne de valeur assurancielle le plus concerné par l’essor des assurtechs, dont 38 % sont des courtiers en assurance. Si cette vérité saute aux yeux sur le segment des particuliers – où les succès des comparateurs comme Le Furet ou des distributeurs en ligne comme Direct Assurance ou Coverlife sont spectaculaires –, on pouvait douter de sa réalité pour les entreprises dont les risques sont plus complexes et qui préfèrent des solutions sur mesure plutôt que des produits.

 

Or, aucun segment n’échappe à la révolution numérique, comme le montre le succès du courtier +Simple. Eric Mignot et ses équipes ont fait un premier constat : le segment des TPE (entreprises de moins de 10 salariés) est un « océan bleu » mal exploré par les grands acteurs de l’assurance. Trop complexe pour les assureurs des particuliers rompus à une distribution de masse de produits très standardisés, il est difficile pour les acteurs du risque d’entreprise peu à l’aise dans la distribution de solutions complexes à des coûts compétitifs. Il fallait donc « industrialiser le sur-mesure » grâce à la technologie. Qu’ont fait les fondateurs de +Simple ? Ils ont disrupté la logique de souscription des assureurs. Résultat ? Au lieu de répondre à des dizaines de questions, une TPE peut s’assurer en quelques clics pour ses risques principaux puis vivre une expérience de gestion 100 % numérique. Autre choix stratégique de +Simple : proposer sa solution aux distributeurs, qu’ils soient courtiers en assurance, banquiers ou assureurs… Cet exemple nous interroge : ce modèle est-il transposable à des entreprises plus importantes et préfigure-t-il une redistribution des rôles entre les courtiers traditionnels et les start-up ?

 

La question est peut-être encore plus aiguë voire pressante si l’on considère l’approche disruptive engagée par Alan, qui cible aussi bien l’assurance santé des PME que celle des indépendants et TPE. Cette start-up née en 2016 a déjà levé 37 millions d’euros, marchant dans les pas de l’américaine Oscar Health. Sauf qu’Alan n’est pas un courtier cherchant des alliances mais un assureur qui propose des solutions 100 % digitales directement aux entreprises. Et le plus étonnant est qu’Alan pourrait être aidé dans cette démarche de désintermédiation par la forte réglementation de l’assurance santé, qui tend, avec l’encadrement des contrats responsables et du reste à charge zéro, à la « commoditisation » de ce type de couverture.

 

Autre exemple de révolution combinant réglementation et technologie, celle de l’assurance des emprunteurs. Ce marché de 9 milliards d’euros de primes était essentiellement capté par les banquiers jusqu’à ce que les lois Lagarde, Hamon et Sapin donnent la possibilité aux emprunteurs d’aller s’assurer ailleurs et rendent la résiliation possible annuellement.

Si rien n’eût été possible sans cette évolution réglementaire, cela ne suffit pas. En effet, les banquiers font encore preuve d’une résilience extraordinaire avec près de 85 % de parts de marché… et ce en dépit d’une mécanique d’adhésion et d’acceptation médicale très lourde et de tarifs peu compétitifs. Les lignes sont en train de bouger : sous l’impulsion de réassureurs ayant développé des algorithmes de scoring de l’état de santé de l’assuré, des assurtechs comme Utwin, BPSIs ou Lifesquare ont élaboré en quelques mois des offres permettant de souscrire en ligne des assurances emprunteur, de réduire les formalités médicales et de rendre leur gestion fluide et rapide, tout en faisant réaliser des économies substantielles aux emprunteurs. Ces assurtechs se sont imposées en quelques mois comme des partenaires des bancassureurs, des courtiers en crédit immobilier et des courtiers en assurance, tout en les concurrençant aussi.

 

Certaines évolutions, parfois moins radicales en apparence, dessinent un futur où les modèles de distribution traditionnels seront bouleversés. Il suffit de voir comment le courtier Coverlife (spécialiste de l’assurance santé individuelle) révolutionne la distribution d’une assurance simple en apparence mais complexe et coûteuse à vendre, grâce à la qualification numérique des prospects et à des parcours de vente où ergonomie et interactivité conduisent le consommateur dans un tunnel de conversion jusqu’à l’acte d’achat. En seulement quatre ans, la jeune start-up affiche une des plus belles croissances de ce marché et vient de mettre en place des algorithmes basés sur l’intelligence artificielle (IA) et l’analyse sémantique des appels, qui permettent de réaliser des actions commerciales ultra-personnalisées en temps réel.

 

Sans aller jusqu’à vendre des assurances complexes en ligne, le digital va permettre : d’un côté, d’identifier et de qualifier les entreprises ayant une volonté de changement ; de l’autre, d’éviter les démarches longues et coûteuses auprès de prospects très sollicités qui n’attendent peut-être rien au moment où ils sont contactés. Il suffit de regarder le géant Salesforce, qui a regroupé toutes ses équipes marketing en Irlande, les commerciaux ne se déplaçant que pour des prospects ultra-qualifiés avec des taux de conversion à faire pâlir d’envie la plus talentueuse des équipes commerciales, pour comprendre que le marketing digital numérique cible les PME comme les ETI.

Quand IA et data disruptent les services de conseil

 

IA, smart data, machine learning… Le monde du conseil découvre qu’il peut être infiniment plus pertinent s’il parvient à dompter les données auxquelles il a accès, ce fameux or noir qui fuite entre ses doigts alors qu’il fait la fortune des Gafa.

 

On pourrait être pessimiste et penser que l’industrie de l’assurance ne maîtrisera jamais les volumes de données dont elle dispose en songeant au mirage du big data dans lequel les assureurs ont investi des milliards d’euros avec des résultats très mitigés. On deviendra résolument optimiste en regardant les assurtechs qui nous montrent la voie à suivre en répondant à une question simple : maîtriser les données, oui, mais lesquelles, pour quoi faire et comment ?

 

Au-delà de l’expérience client qu’il cherche à révolutionner, Alan fait de la data sur les consommations en santé la pierre angulaire de son modèle. Et il ne cherche pas seulement à vendre de l’assurance mais bien à améliorer la santé de ses clients ! De fait, il inscrit la prévention dans sa proposition de valeur. Alors, qu’attendent les grands acteurs établis pour réagir et contrer Alan et ses quelques milliers d’assurés, qui ne pèsent pas bien lourd face aux millions d’assurés des grands courtiers et aux dizaines de millions des assureurs ? Sans doute de savoir identifier les données qu’ils veulent collecter, l’usage qu’ils veulent en faire, la manière dont ils pourront y accéder, les exploiter, les restituer… Cette fameuse smart data si proche semble hors d’atteinte d’une industrie qui n’a pas encore intégré la donnée comme socle de ses nouveaux services.

 

Certains courtiers ont compris l’impérieuse nécessité d’avoir une stratégie en business intelligence, comme Siaci ASH, et ont investi dans des technologies qui permettent de collecter les données, de les organiser et de faire du prédictif en assurance santé. Paradoxalement, ces solutions ne sont pas toujours en place sur les activités principales de ces courtiers. Pour deux raisons :
• les données sont souvent de mauvaise qualité et difficilement exploitables ;
• se doter des bons outils de business intelligence coûte cher car il s’agit presque du développement d’un « autre » système d’information (SI) – on parle d’ailleurs de « SI décisionnel », par opposition au « SI opérationnel ».

 

Les assurtechs ne se posent pas ces questions, car les données sont au cœur de leur offre et de leurs développements technologiques. Fonctionnant avec de l’IA et des algorithmes d’apprentissage automatique, des plateformes comme DreamQuark permettent aux assureurs de mieux comprendre les besoins des clients et donc d’améliorer la qualité des offres et des services. Ainsi, en utilisant DreamQuark, GAN Prévoyance identifie les besoins en prévoyance, retraite ou épargne, avec des niveaux de score dont les critères sont non seulement plus fins mais aussi parfaitement compréhensibles par les conseillers de clientèle. Et cela change tout : le collaborateur est « augmenté » par cette IA.

 

À l’heure où les données issues des IoT (Internet of Things) vont nous submerger, qu’il s’agisse des bracelets connectés dans la santé, des boîtiers embarqués dans l’automobile ou du smart building dans le bâtiment, se doter de plateformes nouvelle génération est une nécessité.

Des modèles de gestion plus fluides et plus rapides

 

Il y a plus de trente ans, les assureurs mutualistes niortais ont poussé les assureurs à se réinventer. La deuxième vague devrait arriver grâce aux assurtechs – que les mutualistes niortais essaient d’ailleurs d’attirer dans le tout nouvel incubateur Niort Tech – car elles ont beaucoup à apporter dans l’optimisation de processus de gestion peu efficaces, surtout quand on parle de risque d’entreprise.
Dans le domaine des flottes automobiles, la start-up WeProov repense la gestion des sinistres. Elle permet aux loueurs de véhicules d’effectuer en ligne l’état des lieux à la prise et à la restitution des véhicules, tout comme le constat en cas de sinistre, et de s’intégrer directement au processus d’indemnisation impliquant experts, courtiers et assureurs.

 

Le champ des possibles est aussi impressionnant dans l’assurance habitation avec des assurtechs qui automatisent des tâches à faible valeur ajoutée. Aukazou, start-up incubée au sein du groupe Saretec – société offrant des prestations d’expertise, de réparation et de conseil – s’occupe des formalités telles que la déclaration à l’assureur ou le chiffrage des dégâts et met le particulier en relation avec des artisans partenaires du réseau Saretec. Cette approche est transposable aux centaines de milliers de sinistres dégâts des eaux des professionnels de l’immobilier.

 

Chez Verlingue, nous avons engagé notre transformation digitale en 2006 en disruptant et en digitalisant nos processus de gestion en assurance des flottes automobiles d’entreprise. Nos clients éditent leurs cartes vertes en ligne, déclarent et gèrent leurs sinistres sur notre plateforme Easy@ccess, accèdent à notre réseau de réparateurs agréés, bénéficient d’engagements tarifaires et de services comme l’expertise à distance, suivent l’évolution du processus d’indemnisation en ligne, la gestion du sinistre pouvant même être déportée sur le conducteur lui-même via notre application mobile. Résultat : 90 % des cartes vertes sont éditées en ligne, 80 % des sinistres sont orientés vers les réparateurs agréés. En interne, nos consultants peuvent se consacrer à des tâches à plus forte valeur ajoutée au service de nos clients et continuer à améliorer le taux de satisfaction, qui s’élève à 98 %.

 

Cette transformation, que nous avons également menée en protection sociale complémentaire, en réinventant les parcours client avec une ergonomie et un design inspirés par Apple, nous a permis de créer beaucoup de valeur. Puis, nous avons grandi et nous avons réalisé que l’innovation devenait moins naturelle. Il était temps de nous ressaisir, et les assurtechs ont été un formidable aiguillon pour nous pousser à nous « agiliser ».

Les acteurs établis à l’épreuve de « l’agilisation »

 

« Agiliser », c’est le verbe à la mode dans les entreprises de l’ancien monde. « L’agilisation » n’est pas un concept abstrait mais une réalité. Car ce qui fait la force des assurtechs – et notre fragilité – c’est bien l’agilité.

 

L’agilité de leurs « plateformes technologiques » tout d’abord, qu’elles développent en même temps qu’elles construisent leurs offres et qui fonctionnent avec les technologies les plus innovantes et des mises à jour quasi quotidiennes. En face, les acteurs traditionnels ont un legacy (héritage) particulièrement lourd. En cause, des SI rigides qui intègrent difficilement (ou à des coûts prohibitifs) des technologies et fonctionnalités innovantes.

 

Pire, quand ils souhaitent transformer leur SI, ils engagent des projets pharaoniques en coûts et en durée. Ils suivent des « cycles en V » consistant à définir des cahiers des charges avec des utilisateurs – souvent peu à l’aise avec la disruption de leurs processus – puis à décrire des spécifications techniques que les spécialistes métiers auront du mal à challenger, à valider et à mettre en production. Conséquence : malgré de coûteuses équipes de maîtrise d’ouvrage (MOA) et de maîtrise d’œuvre (MOE), le projet de transformation dérive pour finir entre les mains de prestataires. En face, les assurtechs auront associé les clients, réuni des équipes pluridisciplinaires et des codeurs dans un espace commun et élaboré en quelques jours, en quelques semaines ou, au pire, en quelques mois, des solutions moins ambitieuses mais immédiatement opérationnelles. Elles auront découpé l’éléphant plutôt que de vouloir l’avaler d’un coup… La nouvelle version est lancée et adaptée au fil de l’eau, quand le « cycle de développement en V » aura accouché au bout de plusieurs années d’une solution adaptée à des besoins client aussi datés que le projet, donc possiblement obsolète…

 

Comme nous le disions, nous avons chez Verlingue, et ce dès 2006, développé des plateformes Web qui ont révolutionné notre modèle de services et simplifié la vie de nos clients. Dix ans se sont écoulés, et nous nous sommes réveillés avec ce triple constat :
• nos interfaces Web étaient toujours très utilisées, mais certaines fonctionnalités avaient vieilli ou faisaient défaut ;
• nos SI étaient robustes mais ne nous permettaient pas de répondre aux besoins futurs de nos clients ;
• des assurtechs étaient apparues sur certains de nos marchés.

 

Ces constats ont eu l’effet d’un électrochoc : nous avons rencontré certaines de ces start-up, nous nous sommes parfois associés à elles et avons repris notre trajectoire numérique ascendante par le biais de transformations éclair dans l’assurance des emprunteurs avec Assur@ccess et dans l’assurance des professionnels de l’immobilier avec Immo@access, où nous avons respecté la sacro-sainte règle du time-to-market… Mieux vaut rapidement une version basique qu’une version hypersophistiquée qui arrive trop tard !

 

Ces succès ne nous ont pas grisés. Ils ont révélé la révolution culturelle que nous devions engager et la nécessité de réinventer nos modes de fonctionnement et de travail.

 

Après quelques mois à choisir un partenaire sur le mode test and learn, nous nous sommes associés à Onepoint, société spécialisée dans l’accompagnement et le conseil en transformation numérique des entreprises. Nous avons engagé un plan de transformation baptisé « Be digital », dont une des premières réalisations a été la création d’une digital factory.

 

Basée à Nantes – ville que nous avons choisie en raison de son dynamisme entrepreneurial dans le numérique et de son accès facile pour les 1 800 collaborateurs de notre groupe en Europe –, cette structure rassemble des équipes pluridisciplinaires, des collaborateurs de Verlingue, des prestataires et surtout des clients, avec qui nous inventons des nouveaux modèles de service, repensons nos solutions existantes et fluidifions nos parcours client.

 

Nous avons en outre la chance de bénéficier d’un écosystème numérique exceptionnel dans l’ouest de la France, comme le montre la carte dessinée par la West Web Valley . Ce fonds d’investissement, supporté par les entrepreneurs bretons, la banque Arkéa et la Banque publique d’investissement (Bpifrance), a pour ambition de créer une Silicon Valley dans la région de Brest. Parmi ses fondateurs, Ronan Le Moal, directeur général du groupe bancaire Arkéa, a montré la voie en engageant la transformation digitale de son groupe par des alliances avec les fintechs et des acquisitions de start-up comme Leetchi, Pumpkin, Younited Credit, Linxo. Fintechs et assurtechs devraient fleurir en Bretagne depuis qu’Arkéa a dévoilé en juillet 2018 son nouveau projet, Bressst, qui vise à réunir et à soutenir les entreprises naissantes de la fintech. L’exemple d’Arkéa est intéressant car il montre que la collaboration avec les start-up est un moyen très efficace de transformer son entreprise tout en explorant de nouveaux territoires.

 

Si l’agilité est indispensable pour réussir une transformation, elle implique des changements culturels et organisationnels majeurs pour les acteurs établis, comme le montre l’excellent article “Forks in the Road: Navigating Industry Disruption” du Boston Consulting Group . Les auteurs soulignent la nécessité pour les organisations les plus performantes de devenir ambidextres en faisant cohabiter des logiques de standardisation, d’amélioration continue et d’économies d’échelle soutenues par un management top down avec des logiques d’expérimentation et d’entrepreneuriat articulées autour d’équipes flexibles, décentralisées et orientées vers le long terme. Les auteurs donnent quelques clés sur la méthode à suivre. Nous nous en inspirons chez Verlingue et mesurons toute la difficulté à résoudre cette équation complexe.

 

Les assurtechs changent le visage de l’assurance des entreprises pour le meilleur et nous avons une chance historique à saisir. Collaborer avec elles, s’inspirer de leurs méthodes, sceller des alliances, voire les racheter… L’objectif ? Transformer notre proposition de valeur et repenser nos business models.

 

Eric Maumy, Directeur général Verlingue